En juin 2014, l’exposition qui marque.

L’abbaye d’Orval accueille Bruno DUPONT pour une exposition de haute qualité !

Trace d’enfance, du 28 juin au 20 septembre 2014, les peintures de Bruno sont mises en valeur sur le site des ruines de l’ancienne Abbaye d’Orval. 

C’est également à l’occasion de cette exposition que l’artiste a édité son livre au titre éponyme. 

Et comme à chaque exposition, l’artiste aime y inviter des enfants via leur école ou leurs association. Et il n’oublie pas les enfants (et adultes) dit différents.

Les sculptures sont de son ami Laurent TOUSSAINT.

Ouverture de l’exposition par Joël Thiry, ami de l’artiste.

Mesdames,
Messieurs,
Chers Amis,

Je vous le dit tout à trac…

Qui, mieux que l’artiste, peut parler de ses peintures ?

Ou plutôt, ce n’est pas moi qui le dis, c’est l’artiste lui-même, Bruno DUPONT, alias DéBé.  Et je le cite : « Ce n’est pas de la fierté mal placée ou encore de la prétention.  C’est simplement du bon sens ».
Mais alors, me direz-vous, pourquoi m’a-t-il demandé avec insistance de dire quelques mots à l’occasion de ce double évènement qui secoue le paysage artistique gaumais, le “PAG” pour les initiés, le vernissage de cette exposition à Orval mais aussi la sortie d’un petit opuscule réjouissant, « Trace d’enfance », qui en est le complément indispensable ?

Tu dois juste dire quelques mots mais « sans inventer, sans interpréter, sans expliquer ce qui n’a pas été vérifié auprès de l’auteur »…  Manque pas d’air, ce DéBé !

Peut-être attend-t-il un commentaire plus technique ?

Prendre alors un ton sentencieux qui sied au spécialiste et déclarer que notre artiste a une bonne maîtrise des lavis, que l’agencement des couleurs assure l’équilibre chromatique de l’ensemble et que l’usage (modéré) du couteau parachève magistralement un travail bien maîtrisé.

Mais allez, ce n’est pas très sérieux (ou ce l’est trop) pour quelqu’un qui confond la peinture à l’huile et la peinture à l’eau et qui place Van Gogh parmi les cubistes !

Mais alors, que dire, et avec quelle légitimité ?

Je pourrai peut-être présenter l’artiste, son pedigree, son parcours…n’est-ce pas ce que l’on fait habituellement en pareilles circonstances ?

Mais, vous admettrez avec moi que c’est un peu convenu…et puis vous êtes déjà si nombreux dans cette noble assistance à le bien connaître.  Et pour les autres, je renvoie à la chronique croustillante d’Alète Raizin que vous dira tout sur notre artiste, de ses débuts à sa fin programmée le 14 novembre 2046.

Chronique croustillante mais aussi déjantée qui mêle l’imaginaire et le réel, le sérieux et l’ironie, laissant le lecteur devant un abime de perplexité.

Mais alors, et pour la dernière fois, que dire et pourquoi avoir, après bien des hésitations il est vrai, accepté de parler devant vous ?  S’il n’y a plus rien à dire ?

Tout simplement pour :
Partager un ressenti.
Relayer des messages que je partage.
Et puis surtout parce que j’aime tout simplement ses peintures … et que je l’aime lui.

Derrière les tableaux et les mots de DéBé, se devinent une démarche profonde : l’expression d’une philosophie qui définit l’homme autant que l’artiste, mais aussi une démarche politique, au sens noble de terme.

L’expression d’une philosophie
L’essentiel tient en quelques mots et en quelques valeurs.

La liberté
C’est l’essentiel pour DéBé.
La liberté : la sienne mais aussi celle des autres.
La liberté de penser, la liberté d’agir … la liberté de peindre ou plutôt la volonté tenace, constante de peindre libre.
Comment ne pas voir dans son cheminement artistique (mais pas uniquement), le processus de libération qui l’a lentement amené à peindre libre ou à s’y essayer en tout cas en refusant les cadres, les normes, les codes,…
Sans nier les techniques mais en se méfiant toujours des écoles et autres chapelles …
Il s’agit moins de liberté que de libération.  En effet, la question n’est pas tant de savoir si l’on peut être absolument libre que de comprendre comment on peut le devenir davantage.  Il s’agit, comme le dit André Comte-Sponville, « d’apprendre à se déprendre ».  La libération comme processus, comme objectif et comme travail …

Chez notre ami DéBé, cette démarche est radicale, première…puisqu’il s’agit de remonter jusqu’à l’origine, le temps de l’enfance, voire le temps d’avant l’enfance !

Trace d’enfance.

C’est ainsi qu’il intitule son livre et son exposition. Trace sans s, il y insiste.

Les mots ne sont jamais innocents.

DéBé a bien compris que tout homme a un poète en lui et que ce poète est simplement l’enfant qu’il a été.
Il s’agit aujourd’hui de retrouver l’enfant en lui.
Un enfant qui a été brimé, contraint ?….  Comme tous les enfants sans doute.  Mais qui le ressentait sans doute un peu plus que tous les autres.

Il s’agit de retrouver le geste premier.
Je n’invente rien, Bruno et je ne joue pas au critique d’art.  Tu le dis toi-même : « J’utilise ma ‘mauvaise main’ pour introduire les personnages de ma création.  Cela permet d’évoquer l’hésitation des premiers traits de l’enfance ».
Eh oui, Bruno, « il a fallu à Pablo Picasso toute une vie pour peindre comme un enfant » … mais rassure-toi, tu es sur le bon chemin et il te reste (si l’on se fie aux propos d’Alète Raizin) encore pas mal de temps pour mettre définitivement à jour ta trace.

On l’a bien compris, peindre est pour Débé, une manière d’être au monde !

Une démarche politique

J’ai dit tout à l’heure que la démarche de DéBé était aussi une démarche politique.  Certains d’entre vous ont pensé : là, le Thiry, il mélange les genres, il se croit au 1er mai !
En êtes-vous si sûrs ? La démarche est bien politique.

A la suite d’artistes subversifs que nous ne citerons pas, DéBé aime à se présenter comme un an-artiste  (non pas « âne-artiste ») et annonce, provocateur : «Cette toile n’est pas belle ».
Laquelle ?  Peu importe.
Ce qu’il veut nous faire comprendre, c’est que « le beau n’est qu’un concept sans importance » et que « les vérités sur l’art n’en ont jamais été ».

Refusant à quiconque le droit de décréter ce qu’est l’art et le beau, il propose de laisser chacun seul juge.
Il s’agit de refuser les discours de ceux qui distinguent les beaux-arts, qui ne seraient pas accessibles à tous, des autres qui ne seraient que vulgaire divertissement.  A la suite de nombreux sociologues et sans en partager les termes savants, DéBé a bien compris que le « bon goût », dont parle Kant, n’a rien de naturel, qu’il est sociologiquement déterminé et imposé par la classe dominante.

DéBé défend au contraire un art populaire et accessible.  Son travail démontre que l’on peut être intelligent sans être élitiste, simple sans être simpliste.

Enfin, DéBé défend l’idée d’un art partagé.
C’est un autre point essentiel pour notre artiste : le besoin de communiquer.
Il s’agit de ne pas exclure, « le style enfantin (on y revient toujours) permettant d’ailleurs une relation plus facile entre la toile et celui qui la regarde ».
Chaque toile est prétexte à échanges, à discussions…  Elle reste volontairement ouverte comme une histoire à compléter, à réécrire, à s’approprier…  Avec l’envie au final de « vous donner l’envie de peindre vous-aussi, en toute liberté, sans obligation de résultats ».

On pourrait encore pointer sa revendication d’un droit à la différence et au respect de chaque individu dans sa singularité, dans son unicité.  Egaux, oui mais différents …
Ou celle d’un droit à la désobéissance, proposition à méditer dans un monde où les comportements moutonniers sont légion et nous mènent on ne sait où.

Le plus essentiel …
Mais restons-en là pour terminer par un dernier propos, le plus essentiel.

Si j’ai accepté de dire ces quelques mots, c’est tout simplement parce que j’aime ses peintures.
J’aime ces couleurs chaudes, sensuelles,…
J’aime ces personnages incertains, ces fragiles bestioles, ces improbables maisons …Ça me parle !

Bruno, tes peintures me disent des choses essentielles sur moi-même et sur le monde.  Et en plus, elles me donnent du plaisir, me rendent joyeux.

N’est-ce pas cela l’essentiel ?

Avant de me taire provisoirement et en son nom, permettez-moi encore de remercier :
Pierre Noël pour le travail discret mais essentiel qu’il a réalisé au niveau des photographies.  Un vrai travail de création qui mériterait mieux qu’une rapide citation.
Le Fère Xavier et la communauté d’Orval qui ont accepté de voir leur magnifique abbaye inondée par les couleurs de DéBé en un contraste saisissant qui nous rappelle intuitivement à quel point l’art et la spiritualité sont liés.

Et enfin vous tous ici présents …
Puissent les toiles et les mots de Bruno vous apporter les mêmes joies et le même plaisir qu’à moi-même !