Qui, mieux que l’artiste, peut parler de ses peintures ?

Ce n’est pas de la fierté mal placée ou encore de la prétention. C’est simplement du bon sens. J’apprécie le critique d’art, le journaliste ou le galeriste qui prend la peine de voir, comprendre, questionner, rencontrer l’artiste. Je le félicite de ne pas inventer, interpréter, expliquer, commenter ce qu’il n’a pas vérifié auprès de l’auteur. Il peut dès lors écrire en connaissance de cause et se mouiller afin de nous partager son ressenti.
Si je déteste l’enseignant qui abuse de son autorité et se réfugie derrière des règlements administratifs, je soutiens l’éducateur curieux et soucieux d’enseigner les théories, les outils et les techniques afin de placer l’élève au centre de ses préoccupations. Quoi de plus motivant pour un élève de rencontrer un pédagogue ouvert au partage et respectueux des différences.
Il n’y a pas (ou très peu) de mérite à instruire une classe de surdoués. Le meilleur enseignant restera celui qui porte, par ses conseils et ses encouragements, l’enfant en difficulté à un niveau supérieur. Dans l’enseignement de l’art également.

Parcours.

Gaumais de Saint-Mard (Virton – Belgique) depuis 1963, j’ai terminé mes humanités artistiques à Izel pour entreprendre un graduat en graphisme et publicité à l’Institut Supérieur des Beaux-Arts Saint-Luc à Liège.
Après une vingtaine d’années en agences de communication en Belgique et à l’étranger, je décide à 45 ans de reprendre mes pinceaux et participe aux ateliers de Christine de Groot à Fontenoille (Florenville). Je m’inscris également à l’Académie des Beaux-Arts d’Arlon-Virton (atelier de Chantal Reiter) comme élève – très – libre. Entre 2008 et 2013, mes toiles ont été exposées en Belgique (Virton, Arlon, Namur, Liège, Bruxelles, …), au Luxembourg, en Allemagne (Cologne) ou encore en France (Longwy, Aix-en-Provence, Sète, …).
Fin juin 2014, l’Abbaye d’Orval accueille pendant 3 mois, dans le bâtiment d’accueil médiéval, mon exposition « Trace d’enfance » et l’édition du présent ouvrage.

Technique.

Lorsque j’ai repris mes pinceaux, j’ai vite opté pour la peinture acrylique sans odeur et plus rapidement sèche que la peinture à l’huile. La toile blanche, je ne connais pas. Lorsque je peins, j’utilise une toile qui m’a servi de palette. Cette toile est donc recouverte d’une première couche de couleurs différentes, disposées de manière aléatoire : le tissu de coton n’est plus visible.
J’utilise des toiles carrées parce que je ne sais pas encore dans quel sens je les présenterai. Il est possible que certaines traces ou taches m’inspirent et orientent sa finalité. Ensuite, j’applique des superpositions de couches de couleurs qui façonnent le fond de ma peinture.
Ma gamme de couleurs est volontairement réduite. Cette condition m’oblige aux mélanges.
J’aime que l’on puisse sentir une épaisseur dans mes toiles.
Je peux également gratter la toile avec fourchette, couteau ou autre objet pour retrouver des sous-couches. Les figurations s’invitent ensuite en fonction d’équilibre de couleurs et d’espaces. J’applique aussi du pastel pour son grain et la mise en place de mes acteurs. J’utilise d’ailleurs ma «mauvaise» main (la droite puisque je suis gaucher) pour introduire les personnages de ma création. Cela permet d’évoquer l’hésitation des premiers traits de l’enfant.
Dans l’évolution d’une toile, je peux recouvrir à plusieurs reprises certains endroits et y replacer d’autres éléments : c’est un travail qui « bouge » perpétuellement jusqu’au moment où il me semble que ma peinture me parle.

Un message ? Mes motivations, mes intentions …

Depuis 2011, mon travail artistique utilise les codes graphiques de l’enfance. Du pastel gras pi(g)mente ma peinture acrylique. Cette texture évoque la craie sur le tableau de l’école ou les dessins dans la cours de récréation. J’essaye de reproduire mes éléments figuratifs dans un style enfantin ce qui permet une relation plus facile entre la toile et celui qui la regarde. L’émotion de l’enfance refait surface. Le lecteur a l’impression de pouvoir faire la même chose et ne se sent pas exclu.

Les enfants perçoivent aussi « leur » possible à faire, à être et à partager.
Le titre « Trace d’enfance » colle vraiment à ma recherche artistique actuelle.
J’ai déjà écrit « anARTiste » sur une de mes toiles.
Je me retrouve bien dans l’esprit d’éducation créatrice que propose Arno Stern (le jeu de peinture) ou encore la révolte positive de Linda Ellia (Hors Cadre).

Je ne commence jamais une toile en sachant ce qu’elle devrait montrer et dire.
Mon intention est de provoquer de l’émotion.
La mémoire est le carburant qui permet plusieurs lectures.
J’essaye de créer un univers où je me sens bien.
Le graphisme, la texture, les personnages, les maisons ou encore les animaux sont les acteurs que je mets en scène.

Tous ces éléments se mettent en place au fur et à mesure que je travaille et, à un moment que je ne maîtrise pas, je décide que la toile est achevée.

Je prends alors le temps de regarder ce tableau – sur toutes ses bases – pour lui donner un titre qui sera le début d’une histoire.

Sa vie peut commencer.
Le spectateur y dénichera ici et là des clins d’yeux – d’enfants – évoquant des souvenirs. L’observateur s’appropriera facilement mon intention et continuera le récit à sa manière, en fonction de son propre vécu.

Je serais donc heureux, via mes toiles, d’être le moteur d’autres créations.

Le dessin fait partie de moi
depuis que j’ai pu prendre
quelque chose en main.
La gauche a été plus rapide que la droite.
Déjà, me voilà différent.
Ma première trace a sans doute eu lieu
avec un bout de bois
ou le bout de mon doigt
sur de la terre ou dans du sable.
Je n’ai malheureusement pas gardé
copie de cette première œuvre.

“Trace d’enfance” 
> Copyright – Editions AOA – Juin 2014 – B. Dupont